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Colères et violences (autour des émeutes de 2005)

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Une émission féministe sur l’importance de la colère et le rapport à la violence (réalisée dans le contexte des émeutes populaires en France en Novembre 2005)

en novembre 2005, dans un contexte d’émeutes dans les banlieues populaires en france et un discours médiatique très merdique et spectaculaire, nous avions envie de parler de tout ça à notre manière et avec un regard féministe. voici quelques axes de réflexions que nous abordons dans l’émission :

 L’instrumentalisation des luttes de femmes par les medias et les
politiques à des fins de stigmatisation de parties de la population et de pacification sociale...

 Questionnements autour de la violence : de quelle violence parle-t-on ? la place des femmes dans des mouvements/ mode d’action dits violents...

 L’importance de la colère dans les luttes contre des oppressions (avec la lecture d’un texte d’Audre Lorde : ’de l’usage de la colère : la réponse des femmes au racisme’

bonne écoute !

(cette émission était diffusée le 23 novembre 2005)
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voici encore quelques liens de groupes/associations dont nous parlons dans l’émission :

MIB mouvement de l’immigration et des banlieues :
http://mib.ouvaton.org/

Les indigènes de la république :
http://www.indigenes.org/

et deux textes en annexe

1_ appel des unes aux autres (publié sur indymedia paris)

2_ si toutes les racailles du monde (par le collectif transpédégouines TaPaGes de strasbourg)

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1 appel des unes aux autres

Nous, femmes solidaires de ceux que l’on assigne racailles, nous
soutenons
les exigences des Indigènes de la République et du M.I.B.

Nous femmes, mères, sœurs, amies, épouses, camarades, indigènes,
compagnes, voisines, filles, amantes, inconnues, cousines, noires,
blanches, rousses, croyantes ou pas, sommes totalement solidaires de ceux
que l’on nomme racailles. Nous refusons d’être mises dans quelque marge
que ce soit concernant la révolte sociale qu’a provoqué la jeunesse
humiliée, discriminée des quartiers populaires. Nous étions et sommes à
leurs côtés. Comment peut-on encore nous exclure de nos propres luttes ?
Nous ne sommes et ne serons pas complices de cette société qui nous
refuse
notre droit à l’existence, qui nous refuse notre place en son sein, qui
nous assigne à l’invisibilité, à l’ombre et au silence à travers mille
mots dégradants pour tous et mille comportements injurieux et
destructeurs
de nos dignités. Nous sommes et resterons du côté de la vie, du côté des
jeunes qui ne demandent qu’à vivre d’égalités et de justice.

Nous amies voisines, femmes, mères, indigènes, amantes, sœurs, épouses,
camarades, compagnes, cousines, filles, inconnues, noires, blanches,
rousses, croyantes ou pas, qui luttons depuis toujours pour obtenir le
droit tout simple qu’est vivre dans un logement décent, pour obtenir une
égalité de traitement pour tou-te-s, pour obtenir le droit à l’école pour
tou-te-s, nous refusons les discriminations que les jeunes subissent au
quotidien avec l’impossibilité d’obtenir le droit de vivre,
discriminations qui traduisent douloureusement l’idée que se fait d’eux,
de ses propres enfants, un pays comme la France. Pays de droits par
excellence.

Nous camarades amantes, femmes, sœurs, compagnes, indigènes, amies,
rousses, noires, blanches, croyantes ou pas, mères, voisines, épouses,
cousines de ceux que l’on traite en racailles, nous sommes solidaire du
refus de cette jeunesse de voir son existence criminalisée en permanence.
Quand cette société va-t-elle admettre que sa jeunesse insultée sans
arrêt
a décidé de se battre pour ses droits mais pas seulement ses droits
particulièrement contestés partout et tout le temps ? Cette jeunesse se
bat parce que ses droits s’inscrivent dans l’ensemble des droits et que
leur remise en cause permanente se traduira forcément par une atteinte à
tous les droits et aux droits de tou-te-s. Les droits de ceux que
l’on dit
racaille sont remis en cause par des inégalités et des
discriminations qui
les maintiennent en situation de précarité extrême. Une société solidaire
implique la lutte contre toutes les discriminations ; particulièrement
contre le racisme, la xénophobie et celles qui reposent sur le genre.

Quand nous, sœurs indigènes, amantes, blanches, rousses, noires,
croyantes
ou pas, compagnes, voisines, épouses, femmes, cousines, camarades, amies,
mères ou inconnues de ceux que l’on juge racailles sommes solidaires des
jeunes qui sont stigmatisés par le simple fait d’exister, vous devez
entendre notre refus de voir notre société continuer à faire de ses
jeunes
hommes, qu’ils soient nos cousins, nos camarades, nos amants, nos fils,
nos époux, nos amis, nos compagnons, nos frères ou des inconnus, les
boucs
émissaires des politiques sécuritaires et répressives. Tous nous devons
entendre qu’il est dangereux et illusoire de répondre au besoin de
sécurité par de la répression à l’encontre de notre propre jeunesse et de
notre propre avenir car les jeunes des quartiers populaires ne sont ni la
cause ni la solution de l’insécurité. Allez voir plutôt du côté des
malfrats en costumes d’hommes respectables qui volent et pillent notre
société sans en passer par la case garde à vue, trop souvent connue et
sans raison par les jeunes des quartiers populaires.

Nous mères, blanches, noires, rousses, croyantes ou pas, femmes, amantes,
indigènes,épouses, voisines, sœurs, compagnes, camarades, cousines, amies
ou inconnues refusons d’avaliser le discours de supplétif-ve-s de l’ordre
colonial visant à soutenir les mesures prises à l’encontre de la jeunesse
des quartiers populaires. Tant que les revendications de cette
jeunesse ne
seront pas entendues, tant qu’il n’y aura pas avec cette jeunesse, une
véritable table de négociation, comme pour tous ceux qui sont en lutte
pour obtenir des droits dans cette société, nous sommes et serons
solidaires de la révolte sociale de cette jeunesse.

Nous, femmes solidaires de ceux que l’on assigne racailles, nous
soutenons
les exigences des Indigènes de la République et du M.I.B.

Nous mères, filles, sœurs, amantes, compagnes, voisines, blanches,
noires,
rousses, croyantes ou pas, épouses, camarades, amies, cousines,
inconnues,
indigènes, nous appelons toutes celles et ceux qui refusent d’être les
complices, les supplétif-ves de l’ordre colonial, à une forte
mobilisation
autour de cette jeunesse qui depuis près de trente ans et
régulièrement se
passe un relais de flammes qui la brûle aussi et par lequel elle ne fait
que revendiquer égalité et justice pour tous, sans jamais être entendue.
Toutes les luttes, qu’elles soient isolées ou collectives, pour la
justice
et l’égalité imposent à tous et toutes d’entendre et de soutenir cette
jeunesse.

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2 Si toutes les racailles du monde...

La brutalité policière, la propagande à vomir de l’immense majorité des media, les obscènes parades liberticides de la droite, les lamentables platitudes de la gauche parlementaire, la passivité de l’extrême-gauche...

Deux jeunes sont morts dans un transformateur. Ils avaient vu des flics. Ils ont couru. Se demandera-t-on un jour quel poids de peur, d’humiliation, de vexation inspire la police pour qu’on s’en aille mourir ainsi ?

Une partie de la jeunesse, stigmatisée, injuriée, se révolte. Des voitures flambent. C’est désolant, mais nous préférons cela aux incendies d’immeubles insalubres et de leurs occupants africains. On décrète l’état d’urgence dont se servait en son temps Maurice Papon (il va bien, merci pour lui).

Retour symbolique à la guerre d’Algérie avec son cortège de racisme, de colonialisme frustré, la police qui quadrille nos rues, l’État qui contrevient à la liberté d’expression et de circulation, et les "ratonnades"...

L’extrême-droite pavoise, la droite jubile, racole et provoque, et quant au PS - qui n’a jamais lésiné sur les lois policières, qui n’a jamais remédié à la misère -, lui, il s’occupe de son congrès...

La "collection hiver" hésite entre le bleu marine et le brun kaki. 75 % des français approuvent, paraît-il, Sarkozy.

La misère des si bien nommées banlieues explose à la gueule d’une République inégalitaire, colonialiste et raciste.

La bourgeoisie ne tardera pas à aller faire des rations de sucre avant de s’enfermer dans ses beaux quartiers, avec ses digicodes et ses caméras de surveillance.

Les bonnes âmes de "gôche" se bouchent le nez : ces jeunes ne respectent rien. Pensez, ils n’ont même pas déposé de préavis d’insurrection ! La lutte des classes n’est plus ce qu’elle était...

Le racisme le plus gras s’expose à visage découvert. L’ennemi ce seraient les arabes, des hordes de jeunes manipulées par des imams. La Préfecture conseille au Centre Gay et Lesbien de fermer ses portes après 20 h : la racaille sexiste, homophobe, lesbophobe et transphobe, assoiffée de violence, entrerait dans Paris... La guerre des civilisations, en quelque sorte. Cette division est judicieuse : des jeunes fanatisés en route pour nous agresser, et une République tolérante, égalitaire, protectrice. Bien joué !

Sauf que nous voyons mal de quel droit se prévalent l’État français et ce gouvernement, ouvertement homophobes et transphobes, pour tout d’un coup s’auto-proclamer défenseurs intransigeants de minorités. Nos droits (bien maigres), nous les avons acquis par la lutte. Et si effectivement nous n’avons pas grand chose à attendre des religions, qu’elle soit par exemple catholique en Pologne ou musulmane en Iran, nous ne faisons pas de la foi individuelle un critère d’exclusion, pas plus que nous n’accordons de crédit à l’imagerie mensongère d’une jeunesse soi-disant djihadisée.

Certes, ce n’est ni grand soir, ni grand matin. Trente ans de dépolitisation sciemment entretenue ont eu raison de nombre de projets d’émancipation, de revendications progressistes. L’extrême misère, mauvaise conseillère délibérément créée et entretenue, voire institutionnalisée, divise et égare.

A TaPaGeS, cette jeunesse-là, nous ne la connaissons pas bien. Mais nous la rencontrons parce que nous y avons des amantEs qui vivent pour la plupart cachéEs (et les lois discriminantes de la "République" ne font qu’aggraver - voire justifier - cet état). Nous la connaissons par quelques luttes communes - rares, et il faudra redoubler nos efforts, demain, pour que convergent nos résistances. Quelles que soient les difficultés et les malentendus.

Transpédégouines, nous savons nous aussi ce qu’est le délit de faciès, l’injure, la discrimination inscrite dans la loi même.
Transpédégouines, nous sommes aussi précaires - et nous subissons aussi la violence du capitalisme.
Transpédégouines, nous souffrons du même monde asphyxiant.
C’est beaucoup.
C’est encore peu.

Nous ne parlerons donc pas en leur nom. Nous n’affirmerons même pas notre solidarité : ce serait déplacé, nous n’encourons pas aujourd’hui les mêmes risques qu’eux.

Mais nous ne nous trompons pas : ce sont bien l’État et ses appareils idéologiques, l’État et ses appareils répressifs, le patronat et ses sbires qui aujourd’hui sont responsables de la situation.

Nous dénonçons la répression policière, l’infâme état d’exception, le racisme d’État avec ses contrôles policiers, ses rafles, les expulsions passées et à venir, les discriminations permanentes, l’insécurité sociale.

Nous exigeons la libération des personnes interpelléEs, la régularisation de toutes celles et de tous ceux qui en font la demande, l’égalité de fait et de droit pour touTEs.

En 1966, un an après les révoltes des noirs américains, les situationnistes de Strasbourg écrivaient : "la révolution nous brûle comme les rues de Watts". Le nom des rues change, mais la rage reste la même : "Burn, baby, burn !"

Plus que jamais, la révolution nous brûle : l’envie d’en finir avec ce monde de misère, d’humiliation.

Et ceci exige la mobilisation, le rassemblement de tous celles et ceux que cette société opprime.

TaPaGeS, le 15 novembre 2005
Transpédégouines de Strasbourg

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